Pour se rendre chez lui, il faut descendre à la station de métro Kupchino, dans la banlieue sud de Saint-Pétersbourg. Son immeuble est semblable à tous les autres. Une barre de HLM de neuf étages recouverte d’une faïence grise. Des graffitis sont dessinés sur la porte d’entrée. Un vieux matelas traîne dans l’allée. Dans la cage d’escalier, seule sa boîte aux lettres est entrouverte. Des factures s’y entassent. Les marches en ciment mènent au sixième étage jusqu’à la porte de l’appartement n°355. C’est ici qu’il habite. Seul avec sa mère. Dans un trois-pièces de 65 mètres carrés.
Grigori Perelman, 44 ans, vit en reclus. Une vie qu’il a choisie. Mais qui aurait pu être tout autre. Car l’homme est un génie des mathématiques. Parvenu à résoudre l’une des plus grandes énigmes du siècle : la conjecture de Poincaré. » Un travail stupéfiant ! Un cadeau extraordinaire fait à l’humanité « , s’extasie le mathématicien français Cédric Villani, lui-même décoré en août de la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel. » Il a décroché le Graal capable de nous éclairer un jour sur la forme de l’Univers « , renchérit Michel Boileau, un spécialiste de la géométrie.
Perelman a bûché seul, enfermé durant huit ans. Avant de livrer sa preuve en 2002… Et de retourner dans l’ombre. Car l’ermite aux cheveux broussailleux, à la barbe hirsute et aux ongles démesurément longs refuse tout. Les honneurs et l’argent.