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GRIGORY PERELMAN  : l’homme qui refuse un million de dollars

Par V. Eberlin

Article extrait des journaux « Le Point » (30 septembre 2010) et « Nouvel Obs » (30 avril 2011).

septembre 2025

Durant la période de l’URSS, sa mère, Ludmila, est professeure de mathématiques dans un lycée technique, tandis que son père, ingénieur en électricité, abreuve leur fils de manuels de physique.

Dès l’âge de 11 ans, le jeune Grigori excelle dans les sciences, mais aussi au violon. L’élève devient un bourreau de travail, au point d’inquiéter sa mère. Lorsqu’il est fiévreux, il a l’habitude de refroidir le thermomètre pour faire croire qu’il peut aller à l’école. Le seul écart de conduite du jeune homme concerne sa tenue vestimentaire. « Grisha », comme on l’appelle, s’en moque : il boutonne son gilet de travers, ne lace pas ses chaussures et oublie ses chaussettes en hiver.

À 16 ans, c’est déjà l’apothéose. Perelman remporte les Olympiades internationales de mathématiques, regroupant trente pays, grâce à une copie sans faute.

À 26 ans, Perelman s’envole pour les États-Unis. Durant trois ans, il donne des conférences dans les meilleures universités. Mais la conjecture de Poincaré le hante. Il est temps de rentrer.

Il est bon de rappeler que l’Institut de mathématiques Clay a posé sept problèmes du millénaire en l’an 2000. Ce sont des questions mathématiques très complexes, chacune dotée d’un prix d’un million de dollars pour celui qui la résout. Aucune université dans le monde n’avait réussi à résoudre ne serait-ce qu’un seul de ces problèmes, dont la conjecture de Poincaré.

Le choc survient en novembre 2002. Perelman énonce la solution de la conjecture de Poincaré sur Internet, dans trois documents de 59 pages.

Malgré la publication de la solution, les plus grands mathématiciens du monde n’arrivent pas à comprendre sa démonstration, jugée trop complexe. Il faut créer quatre équipes internationales chargées de déchiffrer les travaux de Perelman. Comme le reconnaît un spécialiste, « son article était très ardu, même pour les experts ». Il faudra six ans pour expliciter la démonstration de Perelman !

En mars 2010, l’Institut Clay lui décerne officiellement un prix d’un million de dollars pour avoir résolu la conjecture de Poincaré. Notre homme commet alors l’impensable : il refuse le fameux million.

En 2005, il présente sa démission de l’Institut Steklov et annonce son retrait du monde des mathématiques.

Il avait déjà refusé le prix de la Société européenne des Mathématiques en 1996. Jean-Pierre Bourguignon, membre du jury à l’époque, se rappelle : « Je l’avais appelé plusieurs fois pour le convaincre, mais en vain. » En 2006, quand on lui décerne à Madrid la médaille Fields (l’équivalent du prix Nobel en maths), il refuse également.

Récemment, un talk-show s’est interrogé sur la santé mentale de Perelman. Certains téléspectateurs s’emportent : « C’est un psychopathe ! Qu’il prenne l’argent et nous le donne ! » D’autres le portent aux nues : « Ce type refuse d’être une marchandise. Bravo ! »

Aux journalistes, il a répété sans cesse : « Je ne suis pas intéressé par l’argent ou la gloire. »

Aujourd’hui, grâce à ses maigres économies, Perelman vit seul avec sa mère, sans travail, dans un vieil HLM, un trois-pièces de 65 mètres carrés.

Article extrait des journaux « Le Point » (30 septembre 2010) et « Nouvel Obs » (30 avril 2011).

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